mercredi 25 novembre 2009

Aménagement du territoire du PNRQ

Aménagement et histoire du territoire


Le Queyras, territoire de haute montagne, qui aurait pu apparaître comme répulsif aux habitants des vallées, a pourtant été fortement peuplé, puisqu’il abritait près de 8 500 habitants en 1830.
Suite à l’exode rural, après la dernière guerre mondiale et aux inondations de 1957, la population est descendue à 1 800 habitants en 1962.
De nos jours la vitalité démographique du massif est principalement due à l’arrivée d’une population de jeunes attirés par l’économie touristique et toutes les activités qui en découlent.
L’équilibre est actuellement atteint depuis une dizaine d’années et le Queyras compte environ 2 500 habitants permanents.

L’organisation des villages n’était pas seulement un agglomérat de constructions multiples mais une véritable communauté. Situé à proximité de ses terres de culture, chaque hameau administrait et possédait ses chemins, ses canaux d’arrosage et ses édifices collectifs.
Chacun avait son propre quartier de pâturages d’altitude et ses chalets.
Chaque commune du Queyras n’était en réalité qu’un assemblage, une véritable fédération de communautés paysannes.
Dès qu’ils atteignaient une certaine taille, les différents villages de la commune étaient eux-mêmes divisés en quartiers. L’exemple le plus célèbre est celui de Saint Véran, divisé en 5 quartiers entre lesquels s’intercalait un espace suffisant pour éviter la propagation du feu.
Les habitants des quartiers se réunissaient en assemblée, élisaient leurs syndics ou procureurs, entretenaient par corvées les canaux, les chemins et géraient les alpages.
La règle de base était le regroupement. Il n’existait pas d’habitation isolée.
Un certain nombre de critères fondamentaux devaient être pris en compte :
Se protéger des inondations et des avalanches, s’exposer au soleil et prendre le moins possible de terres agricoles.
Après la seconde guerre mondiale il faut se mobiliser pour résister à l’exode rural et ce n’est pas l’élevage bovin laitier ni les troupeaux de brebis qui apportent un revenu suffisant aux paysans.
Aussi les milieux agricoles des Hautes Alpes considèrent comme prioritaire le problème de la modernisation de l’agriculture de montagne. Considérant, comme l’avait exprimé Raoul Blanchard, géographe et spécialiste des Alpes à la faculté de Grenoble, que le Queyras était « l’expression parfaite d’une vallée de montagne », les services du ministère de l’agriculture choisissent ce secteur comme lieu d’expériences.
Le territoire devient « zone témoin ».
L’une des actions la plus efficace fut incontestablement la diffusion de la motofaucheuse qui fauchait 7 à 8 fois plus vite qu’un homme ! (le nombre de 200 motofaucheuses fut atteint en 1955).
Un autre soutien plus discutable fut la divulgation d’engrais chimiques offerts aux agriculteurs une première année mais payables ensuite si bien que l’opération ne se généralisa pas tout de suite.

Les inondations de juin 1957 viennent stopper brutalement toute cette dynamique de modernisation. Les ponts furent emportés, les moulins détruits, les terres labourables remplacées par des tas de gravats, le réseau d’irrigation totalement dévasté.
La zone témoin disparaît comme par enchantement. La « désespérance » s’empare des hommes et des femmes qui refusent de quitter le Queyras.
Entre 1955 et 1962 le territoire perd 18 % de ses exploitations agricoles et 22 % de sa population.

Dans les années 60, deux personnages vont lancer le Queyras vers l’option touristique.
Bernard Gentil, pasteur et agriculteur à saint Véran depuis 1951,
Philippe Lamour, Président de la Commission nationale de l’aménagement du territoire, élu maire de Ceillac en 1965.
En défendant un tourisme soucieux des hommes et respectueux des sites ils impulsent une dynamique qui permettra aux agriculteurs de se maintenir et aux habitants de vivre et travailler au pays.
La décision est prise d’équiper la montagne en douceur avec des téléskis mais en évitant l’arrivée de promoteurs extérieurs à la recherche de profits immédiats. Il est demandé aux familles possédant des fermes de transformer une partie des bâtiments en « gîtes » pour accueillir les touristes.
A cette époque la doctrine du ministère du tourisme reposait essentiellement sur la création de stations de skis sans base sociale locale (Mont Genèvre, Courchevel, Les Arcs…).
L’entretien de la montagne devrait alors reposer sur quelques habitants, jardiniers spécialisés.
Dans le Queyras, le choix est différent avec la création d’un SIVOM (syndicat intercommunal à vocations multiples) d’où émanent les SICA Sports (société d’intérêts collectifs agricoles) qui gèrent les remontées mécaniques et la SICA habitat qui propose des logements touristiques.
L’objectif de la SICA d’aménagement était de constituer rapidement un parc de logements banalisés assez important pour assurer une fréquentation suffisante des remontées mécaniques participant ainsi au renouveau économique du Queyras.
Comme ce développement devait être conduit par et pour la population locale, les statuts de la SICA stipulaient que le patrimoine immobilier constitué par la SICA reviendrait aux propriétaires qui apportaient leurs terrains et cela au prorata de leurs apports.
Le Queyras s’ouvrait au tourisme et par là même allait stopper l’exode rural.

La création du parc naturel régional du Queyras en 1977, grâce à la détermination permanente de Philippe Lamour, allait concrétiser officiellement cette démarche.
« Le parc naturel régional se veut soucieux d’associer l’indispensable rénovation économique et sociale de la région avec la sauvegarde et la mise en valeur du milieu naturel et humain ».
Il déclarait déjà, en 1971, « qu’une structure de ce type permettrait de maintenir une population et le développement de ses activités dans un espace organisé et protégé afin de constituer un élément attractif pour l’accueil du visiteur et l’expansion de l’activité touristique ».
L’agriculture et le tourisme semblent à priori bien se compléter.
Les agriculteurs et les artisans peuvent vivre à l’année sans avoir besoin de quitter le territoire pendant les mois d’hiver.
Le Président de la République, V. Giscard d’Estaing dans son discours de Vallouise en 1977 disait : L’agriculteur est le meilleur gardien de la montagne, si le désert s’accroît, l’attrait touristique diminuera ». Il officialise de fait la double activité.
« L’effort de l’état se portera dorénavant vers un tourisme de montagne intégré aux autres activités ».
A leur arrivée au pouvoir, les socialistes en 1981, décidèrent de modifier l’état d’esprit qui existait à propos de la montagne sous l’impulsion du ministre C. Bresson.
Le député de Briançon, R. De Caumont déclara à l’assemblée nationale :
« Victime d’un processus de type colonial, la montagne s’est réduite à une fonction d’espace de jeu. Il faut dès maintenant instaurer un développement équilibré, diversifié, conçu et maitrisé par chaque commune, chaque vallée. L’ère du béton roi et des paquebots des neiges est révolue ».
En 1982, on parle d’auto-développement de la montagne prenant en compte tous les aspects de la vie locale et surtout l’officialisation de la pluriactivité.
La loi montagne est votée en 1985.
« La montagne couvre 1/5ème du territoire national et joue un rôle écologique irremplaçable : réservoir hydrologique, agriculture et sylviculture spécifique, réserves biogénétiques. Cet espace doit lutter contre des agressions nombreuses, soit naturelles (érosion des sols, glissements de terrains, avalanches) soit des aménagements industriels ou touristiques.
Ces aménagements de type touristiques doivent se faire en continuité avec l’existant c'est-à-dire en « hameaux nouveaux intégrés à l’environnement » ou en « Unité Touristique Nouvelle » conformément à la règle d’urbanisation en continuité avec les constructions existantes.
Notons que les Alpes font l’objet d’une protection internationale grâce à la Convention pour la protection des Alpes adopté le 7 novembre 1991 à Salzbourg et entrée en vigueur le 6 mars 1995. Elle regroupe tous les pays concernés (Allemagne, Autriche, France, Italie, Liechtenstein, Suisse, et Slovénie).
La France a ratifié cette convention alpine le 30 novembre 1995.
Des instruments juridiques déjà en application sont remis au goût du jour.
Les Associations foncières pastorales (AFP), permettant une unité de gestion des terres à vocation pastorale donnent la possibilité de louer des terres à des agriculteurs démunis et répartissent les gains entre les membres de l’association. Elles peuvent même parfois offrir la gratuité aux éleveurs de la commune.
Les groupements pastoraux (GP) regroupent les agriculteurs qui utilisent les mêmes pâturages et leur permettent de signer collectivement des conventions de pâturage en cohérence avec les diagnostics environnementaux.
Ces solutions assez souples ne touchent pas à la propriété individuelle et semblent très faciles à développer. Elles peuvent être associées à des mesures d’amélioration foncière et de plan de protection environnementale comme les zones d’agriculture protégée (ZAP).

C’est dans le domaine de l’intégration Agriculture – Tourisme que vont se jouer les enjeux principaux de demain.

A l’heure actuelle, la régie ski des stations du Queyras a du mal à équilibrer ses comptes et certains élus remettent en cause le modèle de développement choisi dans les années 70, où il avait été décidé qu’agriculture et tourisme devaient se nourrir mutuellement.
Une idée simpliste semble les habiter : « pour éviter le déclin du tourisme, il faut augmenter les capacités d’hébergement et confier les constructions à des promoteurs et la commercialisation à des organismes extérieurs véritables marchands de vacances ».
Le Queyras devrait plutôt utiliser son avance en matière de protection de l’environnement et des paysages.
Ainsi, les prestataires touristiques devraient accroître leur communication sur les activités de pleine nature au sein d’espaces protégés d’altitude pour sortir du « tout ski alpin » qui a tendance à saturer les paysages.
Les hébergeurs et restaurateurs devraient accentuer la vente de produits locaux à circuit court pour répondre à la demande de la clientèle mais aussi pour coller à la démarche déclinée dans la charte européenne du tourisme durable.
Les agriculteurs devraient se mobiliser pour produire des biens de qualité en quantité suffisante pour répondre à la demande. Un exemple: si tous les hôtels, les gîtes, les restaurants et les centres de vacances du Queyras proposaient des pommes de terre d’altitude, il en faudrait 60 tonnes ; or la production est actuellement limitée à 5 tonnes !
Soutenir les circuits courts, c’est aussi participer à la réduction du bilan carbone demandée par le Grenelle de l’environnement et créer un véritable réseau d’accueil.

Le Parc naturel régional du Queyras dans son projet de charte, présenté à l’enquête publique en mai 2009, s’engage sur deux objectifs majeurs : d’une part la préservation et la valorisation des patrimoines naturels et culturels synonymes d’une haute qualité environnementale et d’autre part assurer le maintien des activités économiques traditionnelles en accentuant l’innovation et l’expérimentation pour sortir petit à petit de la « monoculture touristique ».

Le ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de l’Aménagement du territoire, quand il demande de résorber le mitage et de préserver les prairies de fauche, s’appuie sur l’histoire même de notre territoire.
Il est important que les acteurs du développement et que les élus aient encore à l’esprit la philosophie défendue par nos aînés.


Luc Herry

Président de l’Union Hôtelière du Queyras
Administrateur du PNRQ

vote sur la charte du PNR Queyras

Je voudrais rappeler que le Queyras a obtenu le label « parc naturel régional » il y a plus de 30 ans, qu’il est le seul Parc de haute altitude en France, que sa notoriété est de plus en plus forte à l’heure de la montée de la sensibilité environnementale.
Rappeler aussi qu’il existe actuellement 46 parcs naturels régionaux et que 15 territoires demandent ce label très prisé alors que la crise mondiale s’aggrave, que le chômage augmente et que la concurrence touristique s’intensifie.
Rappeler encore que nous travaillons depuis plus de 2 ans sur la rédaction de la charte pour tracer les lignes d’action de ce Parc de haute montagne.
J’espère que nos efforts de synthèse et de recherche vers un accord unanime ne seront pas vain et que vous saurez prendre du recul et surtout de la hauteur pour oublier les points de détails et ne retenir que les points les plus importants.
Nous ne devons pas perdre le label « parc naturel régional » !
Que ceux ou celles qui ont encore des critiques ou des réserves prennent conscience de l’importance capital de leur vote pour tout le territoire.
Engageons nous pour
- Préserver et valoriser les patrimoines naturels, culturels et paysagers,
- Dynamiser notre économie sociale et touristique,
- Sensibiliser et éduquer les populations à l’environnement
- Mettre en place un écotourisme rayonnant et une agriculture durable exemplaire.
Je voudrais rappeler également que le parc naturel régional du Queyras
- Soutient le pastoralisme,
- Maintient une veille environnementale,
- Participe à la promotion du territoire par ses actions sur le tourisme durable
- Travaille pour la gestion de la réserve naturelle nationale de Ristolas – Mont Viso
- Anime le contrat rivière
- Fédère des actions transfrontalières avec les 4 Parcs naturels italiens,
- Soutient le projet man and biosphère du Mont Viso,
- Participe à la trace verte et bleue de la Région PACA demandée par l’Etat,
- Porte un projet de territoire avec le Pays du grand Briançonnais et les 2 communautés de communes du Guillestrois et du Queyras
- Etc etc…
Et même si parfois le travail n’est pas bien fait et si l’organisation pèche, nous ne devons pas, pour autant abandonner bêtement le label « parc naturel régional »
Pour toutes ces raisons rapidement exposées je vous demande de voter OUI à la nouvelle charte du Parc comme vous le demandent également le Président de la Région Provence Alpes Côte d’Azur, le Président du Conseil Général et Madame la Préfète des Hautes Alpes.
Molines en Queyras le 25 septembre 09